Commercialisation du sport féminin: s’adapter pour mieux avancer

La commercialisation du sport féminin a connu une évolution significative ces dernières années. En 2014, sur les 35 000 heures d’émissions sportives diffusées au Canada, seulement 4% portaient sur les sports féminins, illustrant un déséquilibre flagrant dans la représentation médiatique des athlètes. Des données plus récentes indiqueraient maintenant un ratio de 5,3%. Malgré le chemin à parcourir, on observe un réel changement, tant sur le terrain que sur nos écrans!

Les recherches menées par l’agence de marketing et de talent Wasserman Media Group confirment d’ailleurs cette tendance encourageante aux États-Unis. Réalisée sur une période de cinq ans, leur récente étude démontre que la visibilité des sports féminins a presque triplé, constituant désormais en moyenne 15% de la couverture totale des médias sportifs. 

Un changement de culture

Le progrès se manifeste également à travers la multitude d’événements sportifs féminins ayant lieu à Montréal. On peut penser à la division féminine de l’Omnium de tennis de la Banque Nationale, au tournoi de basketball La Classique 3x3 de la Capitale, par la Fédération internationale de basketball ou encore au le Championnat canadien amateur féminin de Golf Canada qui aura lieu dans quelques années, pour ne nommer que ceux-là. 

Marie-Claude Gauthier-Fredette, conseillère aux programmes chez Égale Action, se réjouit de ce changement de mentalité qui touche la culture du sport: «La nouvelle ligue professionnel de hockey féminin (LPHF) est un bel exemple de cette évolution». Toutefois, force est d’admettre que malgré ces avancées, la commercialisation du sport féminin au Québec est toujours confrontée à de grands obstacles. «Sur le plan international, plusieurs marchés démontrent davantage de progrès que le nôtre, comme l’Australie et l’Espagne, par exemple. Ce qui est intéressant, c’est que nous pourrons assurément nous inspirer des solutions qu'ils ont utilisées afin de surmonter les embûches auxquelles ils ont été confrontés.»    

Commercialisation du sport féminin: s'adapter au côté spectacle

Marie-Claude souligne que pour accroître la visibilité du sport féminin, il sera inévitable de traverser une période d'adaptation. En effet, l’œil du public devra s’habituer à voir des femmes compétitionner dans de nouvelles disciplines. «N’oublions pas que la commercialisation du sport professionnel a une visée de divertissement. Ainsi, afin que les femmes soient bien représentées, les ligues féminines devront faire des essais-erreurs, surtout si on les compare avec les ligues masculines qui ont parfois jusqu’à 100 ans d’existence et d’expérience.» Avec une foule plus attentive à la qualité du spectacle offert par les athlètes féminines, il devient impératif de prendre plusieurs mesures. À cet égard, mettre en place des programmes d’accompagnement pour les athlètes sera essentiel pour renforcer la qualité de leur message. 

Le manque d’intérêt pour le sport féminin: un mythe

Pour Marie-Claude, le manque d’intérêt est utilisé à tort pour justifier le peu de visibilité accordé aux athlètes féminines. D’ailleurs, une étude menée par l’Observatoire international en management du sport (OIMS) de l’Université Laval, en partenariat avec le Pôle sports HEC Montréal, indique que parmi les répondants s’intéressant aux performances des équipes nationales canadiennes de soccer, une majorité (61%) affirme porter un intérêt similaire pour les équipes masculines et féminines.   

«Lorsque les commanditaires et diffuseurs investissent et priorisent les sports féminins, le public répond présent. Il est donc crucial de donner au sport féminin les moyens de ses ambitions.» Pour que les athlètes puissent s’entraîner, performer et offrir un spectacle à la hauteur des attentes du public, les femmes doivent avoir accès aux mêmes ressources matérielles et humaines que les hommes. Même si les plages horaires accordées à la diffusion du sport féminin sont de plus en plus favorables, elles le sont moins que celles allouées aux hommes dans certaines disciplines. «Pour rééquilibrer l'auditoire, il faut donner aux femmes les outils et les occasions de visibilité auxquelles elles ont droit. Pour le reste, l'intérêt va suivre.» 

«Lorsque les commanditaires et diffuseurs investissent et priorisent les sports féminins, le public répond présent. Il est donc crucial de donner au sport féminin les moyens de ses ambitions.»

  • Marie-Claude Gauthier-Fredette, conseillère aux programmes chez Égale Action

Qu’en pensent les athlètes?

Cendrine Browne, qui a récemment pris sa retraite comme athlète olympique en ski de fond, a été directement témoin des avancées et des problématiques qui touchent le sport féminin. Celle-ci souligne, entre autres, un enjeu à double tranchant, celui de l’apparence physique. «D’un côté, les athlètes féminines veulent rester authentiques et être des modèles inspirants pour les jeunes, mais de l’autre, elles désirent inévitablement avoir l’attention des médias pour récolter des commandites. Pour y arriver, certaines vont miser sur leur image.»  

Cela dit, Cendrine mentionne aussi plusieurs aspects s’étant largement améliorés au fil des années. Les fondeuses ont, entre autres, obtenu le droit de réaliser les mêmes distances de courses que les hommes. Les athlètes féminines, de façon générale, ont également gagné leur bataille afin d’être nommées «women» et non «ladies» à la télévision. «Il y a eu plusieurs aberrations par le passé, mais heureusement, les temps changent. Avant, il n’y avait aucune possibilité d’acheter des chandails de joueuses de l’équipe féminine de soccer. Maintenant, les filles peuvent porter avec fierté le chandail de Sinclair, c’est une belle avancée.» 

«Avant, il n’y avait aucune possibilité d’acheter des chandails de joueuses de l’équipe féminine de soccer. Maintenant, les filles peuvent porter avec fierté le chandail de Sinclair, c’est une belle avancée.» 

  • Cendrine Browne, ancienne athlète olympique en ski de fond et conseillère aux programmes chez Égale Action

Une visibilité qui a du poids

Pourquoi se pencher sur la commercialisation du sport au féminin? À cela, Marie-Claude Gauthier-Fredette répond que plus les femmes seront visibles, plus elles inspireront les jeunes filles à emboîter le pas. «Avant, on ne présentait pas de femmes comme Marie-Philip Poulin ou Kia Nurse; la plupart des modèles dans le monde du sport étaient des hommes. Pourtant, mettre le sport féminin à l’avant-plan, c’est se donner les conditions gagnantes pour susciter l’engouement et la participation des filles et des femmes.»  

Les modèles féminins vont d’ailleurs bien au-delà de la performance de l’athlète, ils s’étendent aux coachs, aux arbitres et aux autres figures du paysage sportif. Le travail des journalistes et des animatrices joue également un rôle crucial d’influence auprès des filles et des femmes, mais également de la société en général. Des personnalités telles que Chantal Machabée, Élizabeth Rancourt, Justine St-Martin et Geneviève Tardif prouvent que les femmes doivent avoir une voix dans le monde du sport. Après tout, c’est en mettant de l’avant des figures inspirantes que nous contribuerons à changer les mentalités et à briser les stéréotypes de genre qui persistent dans le domaine sportif. 

 

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