Leadership féminin: 8 pistes de solutions pour une approche intersectionnelle

On entend de plus en plus parler du concept d’intersectionnalité, mais qu’en est-il exactement? L’intersectionnalité est une approche qui considère l’interaction de multiples identités simultanément, plutôt que de considérer les individus sur une seule dimension de diversité. Notamment, les dimensions d’identités du sexe, de l’ethnicité, de la religion, de l’âge, de la capacité et de la culture sont différents types d’identités qu’un seul et même individu peut détenir.  

Selon Femmes et sport au Canada, «lorsque nous cherchons des solutions à l’oppression systémique qui tiennent compte des différentes dimensions de notre identité, nous pratiquons l’intersectionnalité». Dans une perspective d’intersectionnalité, il est important de diversifier la représentation des femmes en organisations sportives, c’est-à-dire des femmes issues de communautés NAPC (Noir, Autochtones et personnes de couleur), mais aussi de diverses orientations sexuelles, mobilités, etc. Il faut considérer que le tout est plus grand que la somme de ses parties : il a été démontré que l’identité de femme noire primait sur l’identité de femme ou de personne noire. Il peut ainsi être difficile de distinguer les effets indépendants du genre et de l’ethnie sur l’expérience des femmes de couleur, notamment. 

Pourquoi est-il important d’aborder une approche intersectionnelle? 

L’intersectionnalité, d’abord développé à titre d’outil d’analyse, permet de comprendre qu’une seule approche uniforme ne permet pas de répondre aux besoins de toutes les femmes.  

«Lorsque nous prenons des décisions en matière de politiques et de programmes, nous devons tenir compte de l’intersectionnalité pour mieux comprendre les besoins des personnes sous-représentées dans le sport canadien et mieux y répondre. Une seule solution pourrait ne pas convenir à l’ensemble des femmes et des filles. Si nous ne reconnaissons pas cet état de fait, nous risquons de placer encore plus d’obstacles sur la route de l’équité» (Femmes et sport au Canada, s.d.).

Il s’agit selon plusieurs d’une des priorités à aborder pour favoriser la progression du leadership féminin dans le sport. Des études ont démontré que les individus associent à la fois le fait d’être caucasien et le fait d’être un homme au prototype d’un bon leader, ce qui marginalise l’accès des femmes, particulièrement de minorités ethniques et visibles, aux postes de leadership. Certaines femmes sont donc discriminées à cause de stéréotypes liés tant à leur genre qu’à leur ethnie, par exemple.  

Le faible nombre de femmes NAPC dans le leadership sportif est un des effets les plus visibles de la discrimination accrue chez les femmes aux identités multiples. En effet, l’inégalité des genres n’est pas distribuée uniformément – elle est plus importante chez les femmes issues minorités ethniques que chez les femmes caucasiennes. 

Au Canada, la proportion d’organisations ayant des données sur la représentation des personnes NAPC dans leur organisation est passé de 30% à 50% entre 2021 et 2022. Femmes et sport au Canada fait cependant le constat que «les personnes NAPC sont considérablement sous-représentées au sein du personnel et des leaders du sport»[1] puisqu’elles ne représentent que 5% du personnel des organisations sportives canadiennes.  

L’absence de reconnaissance du vécu et de la réalité unique des femmes à identités multiples affecte négativement leur expérience en organisation: elles tentent de dissimuler leurs identités marginalisées, ce qui les empêche d’être authentique au travail, et subissent une taxe émotionnelle, c’est-à-dire le ressenti de la différence face à leurs pairs et d’être constamment sur leur garde face aux préjugés – le tout se répercute sur leur santé, bien-être et capacité à réussir leur travail. 

«Lorsque nous prenons des décisions en matière de politiques et de programmes, nous devons tenir compte de l’intersectionnalité pour mieux comprendre les besoins des personnes sous-représentées dans le sport canadien et mieux y répondre. Une seule solution pourrait ne pas convenir à l’ensemble des femmes et des filles. Si nous ne reconnaissons pas cet état de fait, nous risquons de placer encore plus d’obstacles sur la route de l’équité.»

Femmes et sport au Canada, s.d.

Quelles solutions peuvent être mises en place pour favoriser une approche intersectionnelle?

Le manque de diversité dans les postes décisionnels des organisations permet difficilement aux filles et aux femmes à identités multiples d’aspirer à ces postes, puisqu’on sait que la représentation nourrit l’ambition. Le manque de recherche, de compréhension du phénomène ainsi que de ses répercussions sur les individus sont problématiques – particulièrement dans le milieu du sport. Voici quelques conseils pour favoriser la diversité et l’inclusion des femmes en organisations:  

1. La formation sur les biais inconscients – surtout pour les individus en poste décisionnel et prenant part au recrutement

Les femmes faisant partie de différents groupes ethniques, culture, religion, orientation sexuelle et capacité font face à différents préjugés – il faut être conscients de ces différents stéréotypes, des barrières et de la façon dont ils varient pour les reconnaître, les corriger et limiter leur impact sur la progression des femmes aux identités multiples aux postes décisionnels. Même si certains individus ne se considèrent pas racistes ou sexistes, leurs biais inconscients peuvent tout de même influencer les décisions d’embauche et d’évaluation de ces femmes. La formation sur les biais inconscients fait partie d’une approche intersectionnelle à l’équité des genres. 

2. Examiner la composition du personnel et mettre en place des objectifs de recrutement

Il est recommandé d’examiner la composition du personnel pour s’assurer qu’elle soit réellement représentative d’une variété d’identités ainsi que l’établissement d’objectifs pour y arriver. À titre de rappel, seulement 30% des organisations sportives canadiennes «ont des données raciales identifiées du personnel et du conseil d’administration»[2]. Pour des effets à court terme, la mise en place de quota et d’objectifs de recrutement est suggérée pour ouvrir l’accès à des postes de haut niveau à des candidats qualifiés. 

3. Limiter l’usage de méthodes de recrutement informel comme le référencement et le bouche-à-oreille

Il faut les limiter puisque les réseaux informels et le bouche-à-oreille sont des méthodes de recrutement qui devraient être découragées, car elles favorisent la reproduction homologue, le statu quo et ainsi le privilège des Blancs à des postes seniors dans les organisations. 

4. Inclusion de femmes au processus de recrutement

L’inclusion de davantage de femmes aux processus de recrutement favoriserait la diversification de la main-d’œuvre dans les organisations sportives, car elles jugent plus favorablement les autres femmes que les hommes (qui les jugent plus négativement). Des auteurs recommandent également la formation liée aux biais des individus jouant un rôle décisionnel dans la sélection et la standardisation des entrevues. 

5. Utiliser des CV à l’aveugle

La mise en place de CV à «l’aveugle» est aussi recommandée pour se concentrer sur les informations pertinentes et limiter l’impact d’informations identifiantes - les recherches ayant démontré que des caractéristiques identifiantes à l’origine ethnique amenaient un jugement plus négatif dans le milieu sportif. 

6. Solliciter l’opinion de femmes aux identités multiples pour mieux comprendre leur expérience en organisation sportive

Il ne faut pas assumer connaître et comprendre leur expérience; il faut porter un intérêt sincère à comprendre leur vécu et la façon dont l’organisation peut les supporter à se développer professionnellement et atteindre leur plein potentiel. 

7. Partage de «success stories»

Le partage de «success stories» ou exemples de réussite, mettant en avant-scène des femmes de parcours et d’identité variées, comme le fait La Lancée, agit à titre de contre-exemple selon lesquels seuls les hommes peuvent être des leaders efficaces et permet de favoriser la visibilité de ces modèles. 

8. Réseautage et mentorat basés sur la diversité

Finalement, le support, émotionnel notamment, est un aspect-clé pour les femmes aux identités multiples à cause des stresseurs dus à leur statut de minorité. La construction de réseaux professionnels et de programmes de mentorat qui font preuve de diversité joue un rôle important dans la promotion de la diversité et l’inclusion des organisations sportives, surtout d’une perspective qui reconnaît et supporte l’intersectionnalité des femmes. 

9. L'utilisation de l'écriture inclusive

L'écriture inclusive peut être un élément clé d'une approche intersectionnelle, car elle souligne l'importance de la diversité et de la représentation des femmes dans le langage utilisé. Voici un guide pour vous aider.

 

[1] Femmes et sport au Canada, 2021, p.3 

[2] Femmes et sport au Canada, 2021, p.2 

 

Sources :  

  • Bradburry, 2013 
  • Burton et Leberman, 2017 
  • Burton et coll., 2009 
  • Cunningham, 2019 
  • Demers et coll. 2019 
  • Femmes et sport au Canada, s.d. 
  • Femmes et sport au Canada, 2021 
  • Femmes et sport au Canada et E-Alliance, 2021 
  • Ghavami et Peplau, 2013;  
  • McDowell et Carter-Francique, 2017 
  • Melton et Bryant, 2017 
  • Rosette et coll., 2008;  
  • Ryan et coll., 2007;  
  • Settles, 2006 
  • Thorpe-Moscon et coll., 2019 
  • Vick et Cunningham, 2008 

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