Voici trois femmes mordues de plein air. Trois parcours uniques, mais liés par un dénominateur commun: l’amour de la nature et de l’expérience humaine.
Julie Leblanc, prévisionniste en avalanche
Conjuguer science et aventure
Julie Leblanc a grandi en Gaspésie, entourée de gens qui aimaient le sport et la nature. «Autour de moi, tout le monde faisait du ski, du vélo, du camping, c’était juste normal ! Lorsque je suis sortie de ma région, j’ai réalisé que les femmes étaient souvent en minorité dans les groupes de plein air. Malgré tout, cela ne m’a jamais découragée ni donné envie de changer de branche !»
À 19 ans, elle se lance dans une solide formation du programme Adventure guide diploma de la Thompson Rivers University (TRU) à Kamloops, en Colombie-Britannique. C’était un double défi puisqu’en plus d’un programme exigeant, elle n’était pas très à l’aise en anglais. Son diplôme en poche, elle expérimente différentes montagnes comme guide de ski en Europe et dans l’Ouest canadien.
Julie aime comprendre la nature qui l’entoure, alors elle entreprend un baccalauréat en biologie et écologie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Mais l’appel des montagnes est fort. Elle travaille à l’auberge de montagne des Chic-Chocs, puis joint l’équipe d’Avalanche Québec à Sainte-Anne-des-Monts.
C’est là qu’elle peut mettre en pratique son expérience de la montagne et son savoir scientifique. De décembre à avril, elle et son équipe sont responsables d’émettre le bulletin d’avalanches. Tous les deux jours, Julie sillonne la montagne en ski ou en motoneige pour évaluer l’épaisseur de la neige, identifier les couches fragiles et les zones instables. Elle aime comprendre la montagne, puis décoder les risques à partir des épisodes changeants de la météo.
Vu le nombre croissant de skieurs, de motoneigistes et d’amateurs de plein air dans les Chic-Chocs, son rôle est devenu de plus en plus important au fil des ans. « Les avalanches sont souvent déclenchées par les sportifs, autant que par des facteurs naturels», explique la spécialiste de la neige. Son credo: être bien préparé, bien équipé, bien informé.
Parmi les gens qui l’ont fortement inspirée, elle mentionne Holly Mcintyre, une enseignante du programme tourisme d’aventure au cégep de la Gaspésie et des îles. Pionnière du domaine, elle lui a fait réaliser que les habiletés interpersonnelles, par exemple le leadership, la communication ou la prise de décision, sont tout aussi importantes dans les métiers du plein air que les aptitudes techniques. On reconnaît aujourd’hui que ce sont des atouts essentiels dans cette profession.
Julie aime le contact avec les jeunes et s’implique pour leur transmettre la piqûre du sport et du plein air, autant que ses connaissances de la montagne. Dynamique, elle se fait régulièrement solliciter et croit qu’il est important de rencontrer les jeunes chez eux, dans leur village, dans leur région et hors des grands centres, pour les motiver un par un.
Sandie Poitras, guide de rafting
Pour l’amour de la rivière
Qu’elle navigue en rafting, en kayak ou en canot, Sandie est comblée. Elle habite tout près de la rivière Métabetchouan au Lac-Saint-Jean et est guide de rafting depuis l’âge de 18 ans. Elle a commencé par un emploi d’été sur la rivière Matawin, dans sa région natale. Elle n’a jamais cessé de guider, même à 39 ans, comme mère de famille, ce qui représente une exception !
«Les techniques de rafting, ça s’apprend», affirme cette passionnée de rivières. «Pour être guide, ça demande une bonne forme physique, un bon esprit d’équipe, mais surtout d’aimer les gens.»
Diplômée d’un baccalauréat en intervention plein air à l’Université du Québec à Chicoutimi, elle est aussi formée en secourisme en région isolée et en sauvetage en eau vive. Elle s’est toujours organisée pour continuer à guider à temps partiel, tout en étant très présente auprès de ses deux enfants. Lorsqu’ils étaient plus jeunes, elle et son conjoint, lui aussi guide de rivière, se sont partagé les tâches.
Bien que les femmes guides soient peu nombreuses, Sandie a toujours été entourée de filles pour l’encourager et affirme avoir rarement ressenti des préjugés sur ses lieux de travail. «J’ai dû parfois affronter des groupes de gars qui ne voulaient pas d’une fille guide, mais je m’arrangeais pour les brasser dans les vagues un peu plus que les autres», raconte-t-elle en rigolant!
La rivière n’est jamais bien loin de la vie de Sandie. L’été, elle est toujours disponible pour guider, assurer la sécurité sur l’eau en kayak ou prendre des photos des clients durant leur aventure. Dans sa jeunesse, ses hivers étaient occupés comme patrouilleuse à ski. Aujourd’hui, elle en profite pour voyager.
Sandie a séjourné deux mois en Équateur, avec sa petite famille, dans une région bourrée de cours d’eau. Elle a participé à plusieurs expéditions, dont seize jours en rafting au Colorado. Pour la première fois cette année, elle donne des cours de sauvetage en eau vive pour le programme de tourisme d’aventure du cégep de la Gaspésie et des îles.
Le changement de rythme hivernal est aussi l’occasion pour Sandie d’exprimer un autre de ses talents : la peinture. Bien qu’elle aime être dans l’action, son art est synonyme de lenteur. Elle peint pour le plaisir, parfois pour des commandes spéciales et elle a exposé ses toiles à quelques occasions dans sa région. Comme dans sa vie, on retrouve dans ses œuvres des gens souriants, la nature et beaucoup d’eau vive!
Virginie Gargano, spécialiste en intervention en contexte de nature et d’aventure
Grandir par la nature et l’aventure
Virginie Gargano est spécialiste en intervention en contexte de nature et d’aventure. Ce qui l’anime, c’est de voir les gens évoluer et développer des habiletés sociales à travers les expériences d’aventure et de plein air.
Native de Gatineau, c’est à la suite d’un cours en plein air expérientiel (18 jours en plein air) au cégep de l’Outaouais qu’elle a la piqûre. Elle entame un baccalauréat en plein air et tourisme d’aventure à l’Université du Québec à Chicoutimi et cette formation deviendra le catalyseur de son mode de vie.
Parce qu’elle aime l’humain et carbure à l’énergie qu’apporte le travail d’équipe, elle creuse le domaine à fond avec une maîtrise en travail social et un doctorat en service social. Elle documente et démontre les effets bénéfiques des expériences de plein air auprès de jeunes en difficulté et de personnes aux prises avec des problèmes de dépendance.
«Lorsqu’elles sont bien encadrées, les expéditions en contexte de nature et d’aventure permettent à des jeunes de vivre de nouvelles expériences hors de leur contexte habituel et bien souvent de regagner une certaine confiance en eux», explique la professeure adjointe en travail social à l’Université Laval. «Au fil de nombreuses excursions en canot, en escalade ou en randonnée pédestre, nous sommes parvenus à bien doser la notion de risque et de déstabilisation émotive que peuvent engendrer les activités d’aventure, pour miser sur les bénéfices qu’elles peuvent apporter sur le plan physique autant que psychologique.»
Avec ses collègues, elle fonde l’organisme Dehors. L’idée est d’offrir des formations aux professionnels de la santé, tels que les médecins, les psychologues et les travailleurs sociaux, pour les outiller à développer des projets en contexte de nature et d’aventure.
Peu de modèles féminins ont jalonné le parcours de Virginie, mais deux enseignants l’ont fortement inspirée. Paul Calvé, du cégep de l’Outaouais et Mario Bilodeau, de l’UQAC, ont été des précurseurs en intervention nature au Québec. «Ils ont cru en mon potentiel, au-delà de mon genre, ç’a été très important dans ma formation. Je ne me suis jamais sentie désavantagée parce que j’étais une femme, sans doute parce que mon physique m’a toujours bien servi!», dit la jeune femme qui s’entraîne régulièrement et a même participé à des compétitions de CrossFit au niveau national.
«Les filles à qui j’enseigne aujourd’hui apprécient les modèles féminins, qui heureusement sont de plus en plus présents dans le domaine. Le plus important, lorsque j’accompagne des groupes, c’est d’instaurer un climat de collaboration. C’est essentiel à la réussite des expéditions et c’est la plupart du temps dans les équipes mixtes qu’on y parvient le mieux.»