Petite enfance: comment éviter les comportements genrés ou stéréotypés dans le développement moteur?
Les stéréotypes liés aux genres pourraient nuire à la pratique de l’activité physique chez les filles. Comment s’assurer d’envoyer les bons messages pour les éviter?
«Par exemple, des stéréotypes veulent que les garçons soient plus actifs physiquement que les filles et qu’ils prennent plus de risques, ce qui ne correspond ni au tempérament de toutes les filles ni à celui de tous les garçons. De plus, souvent, les filles ont moins de modèles qui les incitent à bouger et à prendre des risques et reçoivent moins d’appuis et d’encouragements à le faire des adultes qui les entourent.»
Sans en prendre conscience, les parents attentifs que nous sommes peuvent céder aux conventions dictées par la société et par la culture dans laquelle nous évoluons. Il y a, par exemple, un écart de participation important entre les sexes pour certains types de sports, comme ceux de combat, où les garçons sont plus représentés. Pourtant, pour peu qu’on y pense, on réalise à quel point ces stéréotypes associés à l’éducation des enfants, surtout chez les tout-petits, ont des répercussions majeures sur le développement des adultes en devenir.
Dans la brochure Sécurité bien dosée, enfant comblé de la série À nous de jouer, nous pouvons lire que pendant l’enfance, les normes, les valeurs et les codes de conduite, véhiculés par l’entourage et l’environnement, sont appris et intériorisés par l’enfant. «Par exemple, des stéréotypes veulent que les garçons soient plus actifs physiquement que les filles et qu’ils prennent plus de risques, ce qui ne correspond ni au tempérament de toutes les filles ni à celui de tous les garçons. De plus, souvent, les filles ont moins de modèles qui les incitent à bouger et à prendre des risques et reçoivent moins d’appuis et d’encouragements à le faire des adultes qui les entourent.»
La transmission des codes
«Dès la petite enfance, il arrive que le parent ou l’éducateur naturalise les besoins selon le sexe : un garçon a besoin de bouger et une fille a besoin de protection, explique Josée Trudel, doctorante en administration et politiques de l’éducation (Université Laval, Faculté des sciences de l'éducation). S’il y a bien une dimension hormonale qui s’opère à la puberté, celle-ci n’existe pas dans les premières années de vie. Une petite-fille a autant besoin de bouger qu’un petit garçon.»
Bien entendu, la société évolue, mais les changements sont parfois longs à s’opérer. Les stéréotypes se manifestent encore parfois dans les jouets offerts aux enfants. Le camion déposé entre les mains des garçons est fait pour bouger, pour rouler, pour se déplacer. La poupée que l’on donne aux filles, au contraire, est objet de protection et de soins tout en douceur. Les vêtements peuvent aussi témoigner de stéréotypes similaires. Si les garçons portent souvent des habits résistants, faits pour crapahuter, les robes des filles, elles, sont conçues pour les enjoliver et, surtout, pour rester propres! « Ces gestes induits entravent la liberté d’être des fillettes », résume Josée Trudel. Certes, ces réflexions sont de plus en plus dites et entendues dans la société moderne du Québec et d’ailleurs, mais ces choix ont la vie dure chez des parents qui, eux-mêmes, ont reçu la même éducation genrée dans leur enfance.
«Les filles et les garçons ont besoin de bouger, de relever des défis, de faire face à des risques, de recevoir des encouragements, d’apprendre à se connaître et d’explorer leurs propres limites. Cela contribue au développement de leur confiance, de leur sentiment d’efficacité personnelle et de leur autoprotection. Il est donc important que l’adulte prenne conscience de ses attitudes et comportements. Il doit s’assurer d’être un modèle positif et bienveillant tant pour les filles que pour les garçons et de leur autoriser les mêmes jeux et possibilités.», peut-on encore lire dans la brochure Sécurité bien dosée, enfant comblé de la série À nous de jouer.
Prendre sa place dans le sport
Ce déséquilibre entre filles et garçons peut aussi s’exprimer dans le sport et l’activité physique; à ce chapitre, le choix des activités est plutôt évocateur. «On valorise l’expression de la violence chez les garçons, avec le hockey par exemple», explique Marie-Claire Sancho, qui vient de déposer sa thèse de doctorat sur la socialisation des émotions chez les enfants en milieu scolaire et les différences de genre (Université de Montréal, Faculté des sciences de l'éducation).
«On a encore de la misère à apprendre à nos filles à exprimer leur leadership et à s’affirmer dans la compétition, constate Marie-Claire Sancho. On les veut douces et soumises. Pourtant, s’identifier à une équipe sportive est aussi un facteur de protection contre des maux comme le décrochage ou la drogue.» Les garçons, eux, restent assignés à des comportements dominants s’ils veulent se faire respecter dans un groupe: «On les décourage d’exprimer leurs émotions, car ceci les rend vulnérables à l’intimidation et au harcèlement.»
Selon la chercheuse, le Québec est présentement dans un entre-deux: si la réflexion est présente en ce qui a trait à l’attribution des comportements genrés durant la petite enfance, celle-ci n’est pas encore suivie d’actions significatives sur le plan éducatif. Toutefois, des modèles émergent, cependant, comme celui de l’équipe du Canada féminine de soccer, qu’on a vue s’illustrer brillamment durant les Jeux olympiques de 2021. Un modèle qui prouve que la féminité s’exprime aussi très bien dans des registres où la société et la culture dominante ont encore du mal à les voir.