Les filles et les femmes sont sous-représentées dans le monde du sport. Mais grâce au travail acharné de pionnières et de battantes, les choses commencent à bouger dans cet univers traditionnellement masculin. Et elles peuvent désormais compter sur des « hommes alliés », comme Francis Ménard, pour créer le changement.
Jusqu’à la fin de l’adolescence, Francis Ménard a joué au water-polo. Une carrière d’athlète qui l’a par la suite conduit à devenir arbitre, puis entraîneur. Toujours proche de la Fédération de water-polo du Québec, il décroche, en 2016, le poste directeur adjoint. En 2017, il est nommé directeur général de Parasport Québec, et à l’automne 2021, il prend la gouverne de la Fédération de natation du Québec.
Favoriser le leadership féminin
En œuvrant au sein de fédérations sportives, Francis Ménard a su mettre à profit cet esprit d’équipe et cette discipline acquise durant son parcours d’athlète. Il explique d’ailleurs que les nombreux guides de normes qui encadrent les fédérations, c’est un peu comme des livres de règlements sportifs. Et qu’un athlète qui, comme il se doit, respecte les règles du jeu possède donc les qualités requises pour devenir un administrateur responsable.
Ce n’est donc pas un hasard si Francis Ménard est devenu le premier homme à siéger sur le conseil d’administration d’Égale Action, fondé il y a 20 ans. Alors qu’il travaillait à la Fédération de water-polo du Québec et à Parasport Québec, déjà conscient des enjeux entourant la place des femmes et des filles dans le sport et le leadership féminin, il a d’ailleurs présenté des projets auprès d’Égale Action dans le but renverser la vapeur.

« Francis est ouvert d’esprit et il adore collaborer. Quand on travaille avec lui, on se rend vite compte que son égo ne fait pas partie de l’équation ! Il souhaite avoir des résultats et il fera tout ce qu’il peut pour contribuer aux succès de l’organisation. C’est un gars d’équipe avec une grande sensibilité. Ce sont toutes ces qualités qui nous ont tout de suite attirées. De plus, il est féministe et il n’a pas peur de le dire ! »
— Guylaine Demers, présidente d’Égale Action
« La décision d’Égale Action de nommer un homme sur son conseil d’administration s’inscrit dans l’air du temps, explique Francis Ménard. On comprend de mieux en mieux que la diversité et l’inclusion ne peuvent qu’améliorer nos organisations. D’ailleurs, Égale Action, qui justement prône cette “inclusion” en encourageant les organisations sportives d’accueillir davantage de femmes, pratique ce qu’elle prêche, en quelque sorte. Et surtout, l’organisation se rapproche des “hommes alliés” qui, comme moi, ont à cœur d’améliorer la situation des filles et des femmes dans le monde du sport. »
Des avancées à consolider
Pour que les choses changent, au sein des organisations sportives, Francis Ménard pense qu’il faut d’abord que les hommes soient conscients des obstacles qui nuisent aux candidatures féminines. « Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part, je dirais. Mais il leur faut réaliser qu’il est important d’en faire plus pour encourager les femmes à prendre leur place. Parce que, dans le monde du sport, si tu regardes à une distance de bras autour de toi, en général, tu ne vas voir que des hommes. Alors, il faut changer nos réflexes et chercher à voir plus loin, au-delà de nos réseaux habituels. »
Et les choses commencent à bouger. De nos jours, davantage de femmes brisent des plafonds de verre et créent des précédents historiques en accédant à des postes jusqu’à présent strictement réservés aux hommes. Francis Ménard s’en réjouit, mais affiche un enthousiasme prudent. « Il y a clairement un momentum, mais ce n’est pas assez. On fait du surplace dans plusieurs secteurs. Par exemple, au cours des dernières années, le pourcentage d’administratrices dans les fédérations sportives n’a pas beaucoup évolué. Même chose pour les postes de présidentes. On est encore bien loin de la parité. »

Un changement de culture
Cela dit, les choses se mettent en place. Il existe de plus en plus de programmes de sport créés spécifiquement pour les filles et conçus pour les recruter, favoriser leur participation et leur rétention. « Entraîner des gars et entraîner des filles, ce n’est pas pareil, précise Francis Ménard. L’entraîneur, homme ou femme, doit s’adapter à cette réalité et ne pas traiter son groupe de manière homogène s’il veut favoriser la rétention des filles. »
« Il faut changer la culture de l’entraînement, ajoute-t-il. C’est d’ailleurs l’un des mandats d’Égale Action, d’accompagner des personnes comme moi qui veulent apporter du changement. Non seulement pour que davantage de filles pratiquent des sports, mais aussi pour que les entraîneures soient plus nombreuses. On doit leur offrir de nouveaux modèles d’emploi pour les attirer en portant attention, par exemple, à la conciliation travail-famille. À l’heure actuelle, une mère de famille qui veut être entraîneure doit s’adapter à son poste, alors ça devrait être son poste qui s’adapte à sa réalité. »
Francis Ménard admet que ce ne sont pas des changements qui vont se faire rapidement, mais le contexte devient plus favorable pour soulever ces enjeux au sein des conseils d’administration et pour aborder la question avec les entraîneurs·es, ainsi que les athlètes, afin d’identifier des pistes d’action. « Profiter de ce contexte pour discuter de ces enjeux dans une fédération de 20 000 membres, c’est le défi que je me donne dans les prochaines années. Et je suis convaincu que pour créer le changement, il faut se mettre à risque. Et qu’il faut devenir conscient des efforts supplémentaires qu’on doit investir pour attirer des femmes dans des postes de leadership. On doit changer notre approche sportive qui est encore beaucoup trop masculine. »