École Jeanne-Mance: plus de filles que jamais bien dans leurs baskets!

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Crédit photo: Gaëlle Vuillaume

Depuis plus de 20 ans, Bien dans mes baskets utilise la pratique du basketball parascolaire comme outil d’intervention et de prévention auprès des jeunes de l’école secondaire Jeanne-Mance, à Montréal. Malgré les impacts très positifs de ce programme, les adolescentes tardaient toutefois à y prendre part, au grand regret du travailleur social et coordonnateur du programme Martin Dusseault. Avec son équipe, il s’est alors attelé à la tâche pour faire changer les choses. Cette année, une soixantaine de filles font partie des Dragons et jouent au basketball, tout en bénéficiant d’un accompagnement psychosocial. Un succès qui repose sur une volonté commune de l’équipe de BdmB de faire place aux filles!

« Les garçons, il s'en présentait 30 dans le gymnase et il fallait en prendre 12. Du côté des filles, il fallait toujours essayer de les convaincre de faire du sport. Mais aujourd'hui, on n'a plus besoin d'aller chercher les filles, elles viennent par elles-mêmes! Et surtout, elles ne quittent plus! »

— Martin Dusseault, coordonnateur du programme Bien dans mes baskets au CIUSSS-CSM

Faire place aux filles

Comme le raconte Martin Dusseault, recruter des filles dans les équipes de basket était si difficile au début des années 2010, qu’il songeait à abandonner le volet féminin. Mais une recherche menée à cette époque auprès d’une dizaine d’athlètes-étudiantes ayant participé au programme allait rapidement changer la donne. « L’étude démontrait à quel point les expériences vécues au sein de BdmB avaient contribué au développement de l’empowerment chez ces adolescentes, précise Martin Dusseault. Selon les participantes elles-mêmes, la participation au programme les avait aidées à être plus en contrôle lors de situations où elles étaient vulnérables et à être davantage en mesure de faire les bons choix. » 

En plus d’augmenter la capacité des filles à résister à certaines influences négatives, les conclusions de l’étude menée par Stéphanie Simard et dirigée par Suzanne Laberge, professeure titulaire au département de kinésiologie de l’Université de Montréal, ont permis à l’équipe de BdmB de prendre toute la mesure de l’importance que ces adolescentes accordaient à leur passage dans le programme et la force des liens qu’elles y avaient créés. Pour Martin Dusseault, plus question d’abandonner le volet féminin du programme ! L’étude démontrait toutefois la nécessité de repenser l’approche et de l’adapter pour mieux répondre aux besoins et aux désirs de la clientèle féminine. 

« À partir de ce moment-là, poursuit-il, on a changé beaucoup de choses. On a entre autres mis l’emphase sur l’engagement de femmes coaches et nommé des intervenantes responsables du volet féminin. On a également réfléchi à la manière de donner plus de pouvoir aux filles dans le sport, mais aussi à l’école. » La travailleuse sociale Isabelle Arsenault, qui a rejoint l’équipe de BdmB il y a quatre ans, porte avec enthousiasme le flambeau des filles. En plus de sa tâche d’entraîneuse, elle agit comme marraine auprès des coaches des équipes féminines. Elle a fait du développement du programme des filles sa mission prioritaire au sein de BdmB.

On ne peut pas se contenter de vouloir plus de filles. Ça prend un but commun et des stratégies. Avec mon équipe d’intervenantes, ce qu’on veut faire, c’est développer le leadership des filles et les impliquer dans le processus. Les filles ont besoin d’accompagnement pour se sentir en confiance. Après, elles foncent ! 

— Isabelle Arsenault, travailleuse sociale au programme BdmB

Biendansmesbaskets Unité de filles

Miser sur l’appartenance au groupe

L’étude sur l’empowerment des filles menée en 2011 démontrait clairement que la qualité des relations et l’aspect social et plaisant du programme BdmB jouaient un rôle déterminant dans l’adhésion des filles à la pratique du basketball. « Certaines filles mangent du basket, précise Isabelle Arsenault, mais ce n’est pas la majorité. Elles viennent beaucoup plus pour être ensemble, pour être avec nous aussi. Ça répond à un besoin de socialiser, de partager quelque chose. Leur équipe devient un petit milieu de vie. »

Martin Dusseault constate par ailleurs à quel point les filles sont impliquées au sein du projet d’engagement communautaire Dragons en action. « Les filles sont très présentes dans les comités qui organisent des galas, des fêtes, précise-t-il. Plusieurs d’entre elles sont également marqueuses officielles des parties. Ce sont encore des occasions d’être ensemble qui contribuent au développement d’habiletés de vie chez ces adolescentes. »

Développer la compétence corporelle

BdmB accompagne les adolescentes à un moment clé de leur vie, en pleine période de construction de leur identité. Selon Nancy Forestal, qui est responsable de l’aspect conditionnement physique, prévention des blessures et promotion des saines habitudes de vie au sein de BdmB, bien des jeunes filles n’aiment pas l’éducation physique parce qu’elles se sentent évaluées et comparées aux garçons. « Souvent, inconsciemment, les garçons sont mis de l’avant par rapport aux performances, précise-t-elle. C’est un enjeu qui va faire en sorte qu’une fille peut avoir de la difficulté à s’intégrer au sein d’un groupe d’activité physique ou qu’elle va tout simplement décrocher. »

Cette spécialiste de la relation des filles avec l’entraînement physique insiste sur l’importance d’amener les filles à changer leurs perceptions par rapport à leur corps en leur permettant de vivre des expériences agréables et positives. « Notre devoir à nous, poursuit-elle, c’est de les amener à apprécier le corps qu’elles ont et leur faire comprendre qu’avec leur corps, elles sont capables de réaliser plein de bonnes choses à travers l’activité physique. Une fois qu’elles ont compris cela et qu’elles ont confiance en elles, il n’y a plus de frontières entre les garçons et les filles en termes de performance. »

Quand je suis avec elles dans la salle de musculation, on n’est pas en évaluation. Je suis là pour leur donner des connaissances théoriques et pratiques qui vont leur permettre de devenir indépendantes et autonomes. Donc, quand elles arrivent sur le terrain de basket, elles savent qu’elles ont les habiletés et les capacités à sauter adéquatement, à courir adéquatement, à lancer adéquatement, parce qu’elles possèdent certaines connaissances théoriques et pratiques pour s’autocorriger et s’améliorer. 

— Nancy Forestal, kinésiologue-intervenante

Biendansmesbaskets Jeune fille jouant au basket

Valoriser la participation des filles

Plusieurs enquêtes ont observé que les filles des écoles secondaires sont de moins en moins portées sur l’activité physique à mesure que leurs études évoluent. Mais cette année, à l’école Jeanne-Mance, aucune fille n’a abandonné le basketball. La clé, pour Isabelle Arsenault, tient dans le sentiment de valorisation personnelle. « Quand une fille me dit que ça ne lui tente plus, je lui rappelle ses forces et souvent c’est suffisant pour qu’elle décide de rester, raconte-t-elle. Je dis souvent aux joueuses à quel point j’ai vraiment envie qu’on monte ensemble un programme de filles. D’entendre cela, ça les motive. Elles sentent qu’elles sont importantes et qu’elles ont leur place. »

Il y aura toujours des filles qui voudront décrocher pour diverses raisons, précise Nancy Forestal. Mais le rôle de BdmB, c’est de leur offrir des stratégies pour leur faire comprendre qu’il y a d’autres options. Madame Forestal croit par ailleurs qu’il y avait dans le passé des attentes stéréotypées qui excluaient les filles sans le vouloir. « Les coachs de la nouvelle génération ne pensent pas du tout comme ça : tu es une fille ou un garçon, on va agir différemment. Ce qui fait que les filles se sentent pleinement égales, pleinement respectées. C’est ça le secret, qu’elles se sentent égales, qu’il n’y ait pas frontières. Quand on est bien, on n’a pas raison de quitter. »

« Plus les filles ont du plaisir, plus elles en parlent entre elles et plus le recrutement est facile » poursuit Isabelle Arsenault, qui espère bien parvenir à établir la parité au sein de BdmB avec autant d’équipes de filles que de garçons, d’ici deux ou trois ans. Et même, qui sait, former une équipe Élite de filles. « Ce serait un beau clin d’œil aux garçons », conclut-elle.  

« Si on veut garder nos filles, il faut penser différemment. C’est le système qui doit s’adapter aux filles et non pas les filles au système. » – Martin Dusseault, coordonnateur du programme Bien dans mes baskets au CIUSSS-CSM

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